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Dimanche 24 juin à 17h
Débat organisé par Ensemble Paris et Algeria-Watch
Omar Benderra, économiste, a été chargé de la négociation de la dette algérienne de 1989 à 1991 ; il est membre d’Algeria-Watch.
François Gèze, éditeur à La Découverte, est membre d’Algeria-Watch.
En Algérie, contrastant avec l’indifférence de l’opinion, les animateurs de la scène politique autorisée, qui sert d’opposition de façade à un régime à bout de souffle, se désolent publiquement de la perspective d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika – qu’appellent de leurs vœux les caciques des appareils de pouvoir. Le régime n’a apparemment pas trouvé de solution de rechange et Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, nominalement à la tête de l’État depuis 1999, mais physiquement et mentalement très diminué depuis ses graves accidents de santé de 2005 et 2013, pourrait être prolongé dans son rôle de figure de proue. Le peuple algérien, confronté à de difficiles conditions de vie et sans perspectives, se désintéresse en effet totalement de ces vaines gesticulations. Entre chômage, inflation et harraga, les populations se battent au quotidien pour tenter de survivre et de préserver des liens sociaux sans cesse attaqués par le régime et sa police politique.
Cette situation ubuesque a néanmoins le « mérite » de démontrer que la réalité du pouvoir est en dehors des institutions. Ce pouvoir hors le droit n’est comptable devant personne et encore moins devant le peuple qu’il opprime. Tributaire exclusivement de ressources non renouvelables (pétrole et gaz), gaspillées au-delà de toute raison au cours des années d’« embellie financière », le régime n’est capable d’aucune initiative de sortie de crise, sans même parler de développement économique. L’incertitude est la dimension qui caractérise l’avenir de plus de 40 millions d’Algériens.
Face à ce tableau, les partenaires de l’Algérie ne s’expriment pas. Le premier d’entre eux, la France officielle, reste silencieux, entretenant l’illusion d’un régime « normal ». Pire, elle soutient de facto ce régime liberticide, stérile et oppressif. Tout un écheveau complexe de facteurs économiques, politiques et sécuritaires s’est tressé au fil de l’histoire pour expliquer un soutien d’autant plus choquant qu’il affecte indirectement la situation de la très importante communauté d’origine algérienne vivant en France.
Le débat aura pour objectif de tenter de dénouer certains des fils importants de cet écheveau :
– depuis l’indépendance de 1962, les responsables politiques français, de droite comme de gauche, ont soutenu – hypocritement mais résolument – le régime autoritaire algérien avec lequel ils ont entretenu une vraie complicité politique multidimensionnelle. La justification avancée par ces dirigeants était la nécessité de tourner la page de 132 ans d’oppression coloniale, marquées notamment par les horreurs de la guerre d’indépendance, dont leurs familles politiques s’étaient rendues responsables ; le poids de cette « tradition » est toujours très présent aujourd’hui, malgré quelques déclarations en trompe-l’œil d’Emmanuel Macron sur les crimes de la colonisation ;
– depuis les années 1980, cette proximité des deux pouvoirs a été puissamment alimentée par l’extension considérable des réseaux plus ou moins secrets de la « Françalgérie », opérateurs de circuits de commissionnements (et de corruption) de grande ampleur, permettant notamment à certains « décideurs » algériens de l’ombre d’être associés à nombre de leurs homologues français ayant bénéficié de ces circuits ;
– après leur coup d’État de janvier 1992, les généraux janviéristes promoteurs d’une atroce « guerre contre les civils » contre la population ont bénéficié du soutien aussi actif que discret de réseaux de pouvoir français agissant au plus haut sommet de l’État (notamment au ministère de l’Intérieur et à la DST), non sans de graves « dégâts collatéraux » pour la France (atteinte d’intérêts français en Algérie, attentats de 1995 en France, assassinat des moines de Tibhirine en 1996, etc.) ; autant de dossiers jamais complètement éclaircis et qui pèsent toujours sur les relations bilatérales ;
– depuis les années 2000 et, surtout, depuis la guerre menée en 2011 par l’OTAN contre la Libye (à l’initiative de la France), les actions terroristes et mafieuses se sont multipliées au Sahara et dans la zone sahélienne, amenant la France à intervenir militairement en janvier 2013 (opérations Serval puis Barkhane) au Mali, pays en plein chaos frontalier de l’Algérie : quelles sont les motivations de ces interventions ? Quel rôle joue, du côté français, le souci de préserver ses approvisionnements en uranium du Niger, en gaz et pétrole du Sahara algérien ? Quel est le rôle de la question, devenue centrale, du contrôle des flux migratoires ? Que sait-on de la vraie nature des relations, souvent secrètes, entre les pouvoirs algérien et français sur ces dossiers ultrasensibles ?
Est-il possible d’envisager la sortie d’un modèle néocolonial pour élever les relations bilatérales à un niveau compatible avec la profondeur historique et l’intensité des relations humaines entre les peuples algériens et français ?
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